À l’ère des liseuses, des tablettes, des livres numérique et du manque de temps, la tradition du livre de chevet est-elle encore bien vivante ?

 

 

 

L’évolution de la lecture

 

Les livres de chevet, vous connaissez !

Ce sont ces textes qu’on lit et relit avant de s’endormir ou dans les nuits d’insomnie. Des pages usées d’être tournées sans fin… Ces ouvrages appartiennent-ils à une époque révolue ?

La cyberculture laisse-t-elle une place aux livres de chevet ? Avons-nous du temps à consacrer à la relecture alors que nous peinons à lire les nombreux ouvrages qui paraissent ?

Pendant des siècles, il aurait paru tout à fait inconvenant de lire couché. La lecture était incompatible avec la notion de plaisir et plusieurs ré­formes, culturelles et techniques se sont succédé pour que le livre de chevet voie le jour au XVIlle siècle.

Le changement de format, bien sûr, fut décisif. Comment se plonger dans un volumen ailleurs qu’assis à une table ? Quand les livres ont pris la forme de cahiers assemblés, la lecture est devenue plus vagabonde.

Enfin, l’appa­rition des chambres isolées procura ces instants de tranquillité propices à la flânerie littéraire.

D’après Jean Goulemot, professeur de littérature française et d’histoire des idées, le premier livre de chevet digne de ce nom, et certainement le premier best-seller de l’histoire de l’édition laïque, reste La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. « Les lecteurs se le prêtent, lisent la nuit, pleurent convaincus qu’il s’agit d’une histoire vécue, s’iden­tifient aux personnages. Ils se mettent alors à écrire à Rousseau par centaines. »

Comment expliquer un tel engouement ?

« Non seulement la lecture de ce roman les enchante, mais en plus elle leur permet de comprendre leur propre vie. Avec Jean-Jacques Rousseau naît une nouvelle forme d’intimité, et le lecteur entend la voix de l’auteur comme si le livre n’était écrit que pour lui. »

Tout au long du XVIlle siècle, la production de livres passe de 200 à 800 livres par an. Le livre devient un objet de standing, et surtout les lecteurs sont de plus en plus souvent… des lectrices ! La bibliothèque n’est plus le seul endroit de la maison réservé à la lecture, on peut bouquiner un peu partout, même dans la chambre.

Après Rousseau, c’est au tour de Bernardin de Saint-Pierre de triompher avec Paul et Virginie et d’accéder au sta­tut d’auteur fétiche lu, relu et adulé.

Pour Jean Goulemot, le XIXe siècle voit une modification dans le choix du livre favori. Aux émois personnels s’ajoute une conscience politique : « Le livre de chevet se confond alors avec des textes de révélation sociale comme Les misérables. Et beaucoup plus tard, en mai 68, de nombreux gauchistes garderont sur leur table de nuit Le petit livre rouge de Mao. »

Jusqu’à ces dernières années, la lecture de chevet restait une activité privilégiée qui, pour Gérard Mauger, sociologue et direc­teur de recherche au CNRS, nous permettait de nous retirer dans un autre monde. Aujourd’hui, les sources d’évasion se sont multipliées.

 

La fin du livre de chevet est-elle annoncée ?

 

Jean Goulemot confirme lui que le rapport au livre a changé, et estime que la lecture se trouve en pleine déconfiture. « On ne parle plus de livre-culte, mais de série-culte. Nous vivons dans une culture du zapping où le livre devient un objet de consommation comme les autres. Enfin, un livre de chevet implique une mémorisa­tion de son émotion. Mais aujourd’hui, nous sommes trop sol­licités et nos émotions n’ont plus de mémoire. »

 

La télévision que beaucoup installent dans leur chambre se­rait-elle donc en passe de remplacer cette délicieuse lecture d’avant les rêves ? Les tablettes et autres liseuses qui ouvrent sur quantité de choses nuisent-elles à la lecture du soir ?

Peut-être pas. Car cette technique a engendré d’autres lecteurs. Prenez le métro, le train, regardez autour de vous dans une salle d’attente, par exemple, il n’est plus rare d’y trouver un lecteur les yeux rivés à sa tablette.

En revanche, une chose est cer­taine : le livre, l’unique, celui qui vous accompagne des mois voire des années, semble appartenir désormais à une autre époque.

 

Avez-vous un livre de chevet ? Lequel ? Et pourquoi ?

 

À vos succès d’écriture…

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