Avant de parler des contraintes d’écriture et de vous expliquer leur fonctionnement, laissez-moi vous poser une question…
Vous est-il déjà arrivé d’ouvrir un nouveau document, de le regarder longtemps, et de vous dire que vous n’avez aucune idée ?
Ne me dites pas que vous n’avez jamais connu ce genre de situation. Car nous l’avons tous connue un jour ou l’autre.
Et si je vous disais qu’il est possible de ne plus connaître cette pénurie mais de doubler voire tripler le nombre de vos idées avec de petites astuces.
Qu’est-ce que « la contrainte d’écriture » ?
« La contrainte d’écriture » est une technique littéraire qui consiste à donner des règles et des limites à votre écriture.
Regardons du côté de la poésie.
Par exemple, le haîku est une contrainte d’écriture. Originaire du Japon, cette forme de poésie est structurée en trois lignes respectivement de cinq, sept et cinq syllabes.
Si la contrainte d’écriture est plus courante en poésie, les romanciers n’ont pas manqué de l’utiliser également. Il existe en effet plusieurs romans en lipogramme.
Citons par exemple La Disparition, roman de Georges Perec écrit en 1968 et publié en 1969. Son originalité est que, sur ses 300 pages, il ne comporte pas une seule fois la lettre e.
Mais le lipogramme n’est qu’un des moyens de contraindre l’écriture et, si difficile soit-il, ce n’est pas le plus courant.
Il y en existe tellement d’autres, par exemple :
– L’Abécédaire, texte où les initiales des mots successifs suivent l’ordre alphabétique. Exemple : Inventaire : A brader : cinq danseuses en froufrou (grassouillettes), huit ingénues (joueuses) kleptomanes le matin, neuf (onze peut-être) quadragénaires rabougries, six travailleuses, une valeureuse walkyrie, x yuppies (zélées)
Mais aussi :
– L’Acrostiche universel : à partir d’un nom ou d’un mot donné, l’acrostiche est un poème qui compte autant de vers que ce mot compte de lettres, et dont le premier vers commence par la première lettre du mot, le deuxième par la deuxième, et ainsi de suite.
Et tellement d’autres contraintes d’écriture que les Oulipiens se sont imposées. Je ne vous en fais pas l’inventaire ici car en fouillant le net, vous en trouverez toute une liste. Et puis cet article veut surtout montrer qu’à défaut de freiner la créativité, les contraintes d’écriture la booste.
Pour générer plus d’idées, définissez vos propres contraintes
En réalité, toute écriture est contrainte par quelque chose, qu’il s’agisse des limites du récit, des compétences de l’écrivain ou des limites de la forme.
Au lieu de vous battre contre les contraintes, définissez les vôtres ! Cela vous sera surtout utile si vous êtes bloqué et ne savez pas quoi écrire. Perec a déclaré que l’ensemble complexe de règles et de contraintes qu’il avait utilisées pour écrire La disparition, étaient une machine à générer des idées.
Ainsi lorsque vous définirez des contraintes pour votre écriture, vous constaterez assez vite que vous n’avez non pas moins d’idées, mais bien le double ou le triple.
5 façons d’utiliser les contraintes d’écriture pour devenir un écrivain plus créatif
Donc les contraintes d’écriture peuvent vous aider à générer plus d’idées, mais comment devriez-vous limiter votre écriture ?
Voici cinq idées :
Fixez un objectif de nombre de mots
De nombreux romanciers utilisent cette contrainte d’écriture. Non pas dans le but de limiter leur écriture, mais comme un objectif à atteindre. Le roman est une forme, et bien qu’il s’agisse d’une forme très vague, un roman contient généralement plus de 65 000 mots et moins de 120 000 mots.
Ainsi, fixez votre objectif et commencez à écrire.
Imposez-vous un thème
C’est le cas par exemple des concours d’écriture. Pour celles et ceux qui ont participé aux concours de nouvelles… Sincèrement sans la contrainte du concours, auriez-vous écrit sur cette histoire avec laquelle vous avez concourue ?
Sans doute pas Et pourtant, vous avez pu écrire un bon texte. Votre créativité vous a mené vers des chemins que vous n’auriez peut-être pas pris. Alors sachez vous imposer des thèmes ou des sujets. Vous vous surprendrez à écrire des choses incroyables.
Limitez vos paramètres
Par exemple :
comment faire en sorte que votre histoire se déroule dans le moins de lieux possible ?
Ou sur un temps donné ?
Ce genre de contrainte est particulièrement utile pour les fictions courtes limitées en longueur et pour lesquelles nous n’avez pas la possibilité de développer divers paramètres.
C’est également extrêmement important pour les romanciers qui voudraient un jour voir leur livre transformé en film, car chaque changement de lieu et de décor augmenterait le budget du film !
Réduisez votre « casting » et/ou limitez l’espace-temps
Comment racontez votre histoire avec le moins de personnages possible?
Mais pourquoi chercher à réduire de personnages ?
Parce qu’il est plus difficile pour un lecteur d’intégrer de nouveaux personnages, de s’attacher à eux, de les aimer ou de les détester quand il y en a de trop dans l’histoire. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous aimons tant le roman, la télévision et même les séries de films. Cela nous permet de suivre quelques personnages pendant de plus longues périodes plutôt que juste dans un livre, un film ou un épisode.
Si vous avez déjà vu une pièce avec un ou deux acteurs, vous savez à quel point ce genre d’ histoire qui suit quelques personnages peut être puissante. Ajoutez à cela votre talent d’écrivain et vous comblerez vos lecteurs de plaisir !
De la même manière, sur quelle unité de temps concentrez-vous votre histoire ? Peut-elle se dérouler sur une année, un mois ou juste une journée ?
En limitant l’espace-temps, on peut arriver à écrire des histoires vraiment captivantes. Le meilleur exemple, c’est la série « 24h » car toute l’action de l’histoire se déroule en seulement vingt-quatre heures très intenses, réparties sur vingt-quatre épisodes.
Donc pensez-vous à ce genre de contrainte d’écriture pour vos histoires !
Portez votre contrainte sur le dispositif narratif
Un dispositif narratif est un moyen particulièrement efficace de contraindre d’écriture.
Par exemple, votre histoire peut être racontée sous forme de lettres. Elle peut aussi n’être qu’un dialogue. C’est ainsi que Joseph Conrad a en grande partie rédigé son roman Au cœur des ténèbres ou William Faulkner son ouvrage Absalon, Absalon !
Peut-être qu’un seul personnage raconte l’histoire au lecteur comme dans Moby Dick d’ Herman Melville.
Ou encore, que l’auteur « traduit » un livre à l’intention du lecteur, même si cette histoire n’existe pas, comme c’est le cas avec La princesse Bride de William Goldman. L’auteur présente le roman comme étant l’œuvre de l’écrivain florin Simon Morgenstern abrégée et commentée par lui. Original, non ?
Alors n’ayez pas peur des contraintes d’écriture, au contraire, car elles sont souvent le moyen de rendre votre histoire plus intéressante. En prenant l’initiative de définir vos propres contraintes, vous donnez plus de leste à votre imagination et vous constaterez vite que vous avez plus d’idées alors que vous n’auriez certainement pensé.
Alors définissez vos propres contraintes et laissez venir les idées.
Quelles contraintes avez-vous déjà donné à votre écriture, consciemment ou inconsciemment ?
Quelles conclusions en avez-vous tiré ? Dites-le dans les commentaires !
Merci pour ce message il va me rendre de grands services. J’ai le défaut de me perdre dans les détails et les personnages..
Bonjour Marie-Adrienne
Lorsque j’ai écrit mon roman » Laisse couler ta rivière », paru sous le nom de Marie Lalande, ma contrainte a été de l’écrire à la première personne du singulier et de n’avoir principalement que ce narrateur et son point de vue pour raconter l’histoire. Était-ce une contrainte ? Je n’en suis pas sûre. Je l’ai plutôt vécue comme une incroyable aventure, puisque cela m’a permis de m’immiscer totalement dans le personnage de Mathilde. La contrainte existe tout le temps en écriture. Lorsqu’on choisit une idée, la première contrainte est de ne pas s’éparpiller et d’aller jusqu’au bout de l’idée, ne pas oublier l’objectif du départ, plutôt de l’améliorer et tenir la promesse faite au lecteur dès les premières pages. J’espère ne pas avoir été hors sujet.
Marité
ps: j’ai répondu à votre mail tantôt, je n’ai pas obtenu de réponse. L’avez-vous reçu ? Amicalement
bonjour,
Alors pour ma part, j’adore les contraintes et j’avoue que j’écris mieux quand il y en a.
Bonjour Marie-Adrienne. J’abonde dans votre sens sur la contrainte du thème. Elle permet de se lâcher.
Par contre, à titre personnel, elle peut aussi être un frein. Par exemple, je souhaite participer à un concours (ne m’en veuillez pas Marie-Adrienne :)). Et le thème, bien qu’il m’inspire me bloque tout autant.
Merci encore à vous pour ces supers articles.
La contrainte d’écriture, un excellent moyen de guérir le syndrome de la page blanche!
Personnellement, j’aime la contrainte, mais seulement si elle me permet d’avancer dans un projet. Par le passé, j’ai fait l’erreur de mettre en pause un roman en cours pour « m’aérer », alors qu’en fait je cherchais juste une excuse pour procrastiner… Je n’ai pas la discipline nécessaire pour me lancer dans un exercice de contrainte et trouver la motivation de revenir à mon projet principal ensuite.
Mais pour débloquer un projet, cette méthode fait des miracles. Comme vous le dites si bien, on pense à tort que la contrainte nous limite, alors qu’elle nous permet de faire un tri arbitraire mais salvateur dans l’infini des possibles, qui nous donne le vertige et nous empêche d’avancer.
Merci pour cet article, qui m’aura fait découvrir Goldman. Un vrai travail de fond!
Bonjour à tous,
Les contraintes qui me sont le plus agréables sont celle-ci: Je vous conseille de les tester!
-placer trois mots tiré au hasard dans un dictionnaire ou dans un générateur.
Cela permet d’influencer notre sujet. Même si cela semble minime, trois mots amène bien souvent trois nouvelles idées.
– Ecrire sur base d’une première couverture.
Si mille personnes écrivaient chacun un livre avec le même titre, cela ferait mille histoires. Vous pouvez alors prendre n’importe quel livre (que vous n’avez évidemment pas lu!) ou aller sur ce site qui en génère de nouveaux. http://www.omerpesquer.info/untitre/ Selon moi s’impose un titre c’est bien plus amusant qu’un thème.
-Utiliser des personnages types.
Sur cet autre site (https://www.thispersondoesnotexist.com/) On vous montre le visage d’une personne qui n’existe pas à partir de plusieurs visages. Et si vous leur donniez vie? Un visage peut inspirer le profil de quelqu’un.
Voilà, j’espère que l’un d’entre vous essayera une de ces contraintes, je suis persuadé que cela vous plaira!
Bonjour
Merci pour votre contribution. Les lecteurs du blog apprécieront certainement.
Je ne connaissais pas le 2e site et c’est assez intéressant de donner vie à un personnage. De lui inventer une histoire. Un passé. J’adore. Je le fais souvent quand je prends le train, le métro ou autre. C’est une belle façon de travailler son imagination.
A bientôt