Bonjour à tous, me revoilà après une brève absence. Je suis partie écrire une biographie dans les Landes . Pendant mon séjour, j’ai reçu une question par mail : comment densifier ses personnages ? J’ai pensé utile de faire une réponse collective…
Vous avez créé des personnages. Vous les avez nommés et leur avez donné un passé et de nombreux traits de caractère.
Mais au fil des pages, vous trouvez qu’ils perdent en densité jusqu’à en devenir ennuyeux ! Les traits de personnalité que vous aviez méticuleusement choisis pour eux ne transparaissent pas. Quant à votre personnage principal, il survole l’histoire et vous vous demandez pourquoi ce personnage central sur lequel vous avez tant travaillé n’a pas la grandeur que vous lui aviez imaginée.
2 étapes pour densifier les personnages
Ne pas donner une voix et une personnalité claires à votre personnage est un problème courant.
Mais il existe une solution très simple pour y remédier…
Et voilà le secret : votre histoire ne concerne pas seulement les choses que voit votre personnage ou les événements qui se produisent. Ce qui signifie que pour mieux transmettre sa personnalité et sa voix, examinez de près ses réactions.
Voyons cela au travers d’un exemple.
Pour renforcer des personnages, utilisez un processus simple en deux étapes.
1 / Décidez de la personnalité de votre personnage
Prenons le scénario suivant : votre personnage arrive à un rendez-vous, il est assis et évalue ce premier rendez-vous : une femme d’âge moyen.
Emilie avait la quarantaine et des cheveux bruns qui lui descendaient jusqu’aux épaules. Elle portait une robe bleue à fleurs blanches et un sac à main Gucci. Elle m’a souri quand elle s’est assise. Nous avons commandé chacun un verre de vin maison.
Pour le coup, cette scène est définie, mais elle n’indique rien au lecteur sur le personnage. Votre lecteur voit ce que tout le monde peut voir, autrement dit rien de particulier. Et le lecteur ne peut qu’être indifférent à ce qu’il lit.
Pour rendre cette scène plus intéressante, pensez à la personnalité de votre personnage et à son état émotionnel au moment de la scène.
Votre personnage est-il un homme d’âge moyen fatigué de rencontrer des femmes insignifiantes ?
Votre personnage est-il un extraverti qui aime faire la fête ? Ou un radin plus soucieux du coût de cette nouvelle rencontre que du reste ?
L’autre personnage est-il une femme plus âgée venu à ce premier rendez-vous après plusieurs années de veuvage. Est-elle stressée ?
Maintenant que vous savez qui est votre personnage, vous pouvez passer à l’étape suivante.
2 / Voir avec les yeux de votre personnage
Une fois que vous avez décidé qui est votre personnage, vous pouvez ajuster la scène en fonction de sa personnalité.
Reprenons la scène d’en haut, d’abord du point de vue du personnage A, qui est un homme d’âge moyen blasé par ces rencontres Meetic qui s’enchaînent sans se conforter. Il est également lassé de dépenser de l’argent pour ces rendez-vous qui ne le mènent nulle part.
Je me suis glissé dans mon siège en face d’Emilie. Elle est assez jolie. Cheveux bruns, joli sourire – mais en réalité, je n’ai jamais rencontré de femme sans un joli sourire. Et peu importe ce qu’il peut cacher. Sa robe bleue à fleurs blanches est très modeste mais bien ajustée, ce qui m’indique qu’elle se souciait suffisamment d’elle mais aussi qu’elle n’envisageait pas de prolonger la soirée au-delà du rendez-vous au café. Pendant que nous commandions, j’ai regardé son sac à main Gucci et j’ai pensé un instant que si elle pouvait se permettre un si bel accessoire, elle devrait aussi pouvoir payer sa part au restaurant. En tout cas, là, elle a commandé le même vin maison que moi. Le moins cher.
Vous voyez bien qu’entre la première et la deuxième version, le personnage a pris de la densité. Et ce avec très peu de choses. Il suffit juste de regarder la situation avec ses yeux !
Essayons une autre version. Le personnage B est une femme qui repart en quête d’un compagnon après de longues années de veuvage. Elle est un peu stressée mais espère bien rencontrer quelqu’un. Elle aime aussi les bonnes choses.
Je m’installe en face d’Emilie et lui présente avec désinvolture mon meilleur côté – le gauche. Elle sourit ; ses dents sont parfaites et droites. Elle me questionne sur ma journée et je ne peux m’empêcher de regarder la lumière briller dans ses cheveux châtain miel. Je suis sous le charme. Elle porte une jolie robe bleue à fleurs blanches qui épouse parfaitement ses courbes. Savait-elle que le bleu était ma couleur préférée ? J’aime penser que c’est une pure coïncidence. Je la regarde rougir alors qu’elle fouille maladroitement son sac à main – Gucci… un bon goût. Elle est stressée et en même temps je ressens une forme d’excitation. J’espère que c’est à cause de moi. La sélection des vins du bar est un peu médiocre, nous nous contentons d’un verre de vin maison, efficace et pas cher. Peut-être que pour notre prochain rendez-vous, je l’emmènerai dans un meilleur endroit et lui enseignerai le bon vin.
Maintenant, la même scène possède deux versions très différentes, et même si rien n’est jamais dit sur les personnages A et B dans ces passages, le lecteur a une vision claire de leur personnalité et de leur humeur, toutes basées sur sur la façon dont chacun voit son rendez-vous. Ainsi, il faut montrer et ne pas dire la personnalité d’un personnage.
La personnalité de votre personnage se reflète dans ses réactions vis-à-vis de tout ce qui l’entoure. Un personnage ne se limite pas à ses goûts et à ses aversions, mais à son point de vue, son attitude, ses espoirs, ses rêves, ses peurs et ses préoccupations. Quel état émotionnel renvoyaient ces personnages dans cette scène? Et comment cet état les fera-t-il réagir ?
Explorez ces réactions et vous constaterez que vos personnages ne sont pas plats du tout, mais bien des personnages en 3D complets, sortant de la page.
À vos succès d’écriture…
Avez-vous du mal à « densifier » vos personnages ?
Que faites-vous pour y remédier ? Dites-le dans les commentaires.
Bonsoir Marie-Adrienne,
J’aime lire vos intéressants conseils aux romanciers en herbe comme moi. J’en suis à plus de 400 pages sur la vie d’une jeune soeur enseignante au couvent d’un village et dont le bedeau est follement amoureux. Le dialogue et les pensées des personnages sont-ils des moyens suffisants pour donner de la densité aux personnages? Que pensez-vous de l’extrait suivant?
Durant les grandes vacances de cet été 1918, les cinq Filles de Jésus de Saint-Élie s’étaient rendues en juillet à leur maison-mère de Kermaria aux Trois-Rivières faire leur retraite annuelle d’une semaine. Au cours d’une messe célébrée par Mgr Cloutier, l’évêque du diocèse, sœur Marie Sainte-Faustine avait fait sa profession de vœux perpétuels. Quelque temps auparavant au couvent de Saint-Élie elle avait fait part à sa supérieure, mère Marie Philomène, de sa décision de s’engager pour toujours aux côtés de Jésus dans la communauté.
— Il y a cinq ans au grand Kermaria de Bretagne, j’ai fait ma profession temporaire des trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Chaque année, j’ai renouvelé ces vœux temporaires. Le temps est maintenant venu pour moi de m’engager définitivement. J’ai la ferme conviction d’être à ma place chez les Filles de Jésus. Je suis heureuse et je n’ai pas besoin de réfléchir davantage.
Son amoureux Léon savait bien que la jeune sœur allait prononcer ses vœux perpétuels durant sa retraite. Bon chrétien, il respectait ce choix définitif mais il ne pouvait s’empêcher de continuer d’aimer follement la jeune nonne. Le bedeau savait qu’il était perdant face à un rival aussi puissant que Jésus mais il s’était résigné à jouer auprès de celle qu’il aimait un rôle secondaire pourvu qu’ai ait une petite place dans son cœur et ses pensées.
— Notre amour restera romantique, d’une tendresse platonique, s’était dit Léon. Mais j’aurai au moins la consolation de continuer à la voir en ma qualité de bedeau à l’église ainsi que d’ami et d’homme à tout faire des Filles de Jésus au couvent.
Merci et aurevoir,
Jean-Pierre B*
Bonjour
Ben ca me parait très clair. Les personnages sont plutôt bien campés.
Continuez
Faut – il faire parler les personnages. Réveiller des instants qui lui donnera le caractère, ainsi oublier soi-même, ce n’es plus moi c’est lui qui parle.
Bonjour
C’est cela !
Bonjour Marie-Adrienne, j’ai l’impression de me retrouver un peu dans cette histoire de « densité ». Pour moi, étrangement il est plus facile de bien caractériser un personnage secondaire que le protagoniste lui-même. Toutefois votre article est clair et me fait réfléchir. Merci par ailleurs pour les exemple, on voit bien la différence.
Bonjour Marie-Adrienne, les maths modernes, ça vous parle ? Exemple 3 personnages A B C. Chaque lettre appartient à un ensemble (celui de la psychologie du personnage) Je trace des liaisons entre chaque lettre (ex A vers B – B vers A) J’y indique comment ils se perçoivent l’un par rapport à l’autre. A imagine que B est un idéaliste. B imagine que A est un borné. Forcément, ils devront réagir l’un à l’autre en fonction de ces préjugés. Mais rien n’empêche, au fil de l’intrigue, d’adapter ces ressentis. Idem avec C et A, C et B, et inversement…
Autre ex. A n’a jamais eu de chance avec les femmes, forcément son attitude envers la gente féminine en sera influencée. Gardez ce schéma sous le coude, ça vous évitera de transformer votre personnage en girouette…
Merci Aimé pour cette technique. Les maths au service de l’écriture… une belle idée !
Bonjour
j’utilise beaucoup le monologue intérieur pour exprimer les pensées du personnage. Le lecteur est en lien direct avec la pensée du personnage.
Bonjour,
Très intéressant votre article. un personnage bien décrit est un personnage vivant.
Simple mais pertinent, je vais tenir compte de ces 2 procédés pour rendre scènes et personnages de mes textes plus attractifs.
Dans la même veine, j’avais une question: comment composer, placer des interruptions ou des petits événements dans le monologue d’un personnage parlant longuement. En d’autres termes, lors d’une scène de dialogue où l’un des interlocuteurs tient un propos avec de longs développements (explication d’un concept complexe par exemple), comment, pour éviter la lassitude du lecteur, placer des petits faits, réactions ou attitudes de façon à éviter la monotonie?
En vous remerciant.
Michel
Bonjour
La première des choses… éviter les longs pavés. Si c’est un dialogue faire intervenir l’autre personne. Si c’est un monologue peut etre scinder en deux parties si c’est trop long.
A vos succès d’écriture
Merci Marie-Adrienne pour ce post très concret et qui donne envie de retravailler ses personnages ! Ce serait intéressant d’en avoir un du même genre sur le style (correction concrète d’un extrait, un peu comme dans une annexe d' »Ecriture : mémoires d’un métier, de Stephen King).
Bonjour
Je note l’idée d’une correction complète d’un extrait
A vos succès d’écriture
Bonjour Marie-Adrienne,
merci pour ces conseils. Super article, comme toujours!
Au plaisir de vous lire,
Cordialement,
Marina.