Dans ce nouvel épisode de la série « L’Alchimie du roman », Jean-Philippe Depotte décortique “La vie mode d’emploi ”, de Georges Perec
À propos de Georges Perec
Georges Perec, de son vrai nom, Peretz, naît le 7 mars 1936 à Paris, de parents juifs polonais. Tous deux décédés durant la Seconde Guerre mondiale. Envoyé en zone libre, à Villard-de-Lans, le petit Georges est sauvé. Son nom est « francisé »en Perec. Adopté par les Bienenfeld (sa tante et son mari) après la guerre, Georges poursuit ses études dans la capitale.
Il entreprend des études d’histoire en 1954, qu’il abandonne rapidement. Après quelques projets de roman, il passe son service militaire à Pau, de 1958 à 1959. Rendu à la vie civile, il épouse Paulette Pétras, étudiante à la Sorbonne, en octobre 1960. Nommée enseignante en Tunisie, le couple s’y installe pendant un an. À son retour à Paris, Georges devient documentaliste en neurophysiologie au CNRS, en 1962. Il écrit ses premiers articles pour la revue littéraire Partisans.
C’est en 1965, à 29 ans, qu’il publie son premier roman, Les Choses. L’ouvrage, inspiré de son quotidien, connaît un grand succès et remporte dans la foulée le prix Renaudot.
Sa renommée naissante permet à Georges Perec de faire son entrée en 1967 dans le groupe littéraire l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle).
Ses écrits sont désormais déterminés par ces contraintes formelles qui caractérisent les écrits du groupe de l’Oulipo.
L’un des exemples les plus bluffants est le roman La Disparition, paru en 1969. Le livre est un lipogramme (écrit sans la lettre « e »).
Perec s’est ensuite amusé à inverser la consigne avec Les Revenentes, récit publié en 1972, où la seule voyelle utilisée tout au long de l’œuvre est la lettre « e », poussant l’écrivain à orthographier de manière alternative certains mots, comme dans le titre.
En 1975, Perec publie W ou le souvenir d’enfance, qui obtient un vrai succès critique. Ce texte brillamment construit alterne fragments biographiques et fiction.
Son roman suivant, La Vie, mode d’emploi, publié en 1978, remporte un grand succès à la fois auprès du public et de la critique. Il obtient le prix Médicis cette même année.
Atteint d’un cancer du poumon, George Perec meurt le 3 mars 1982 à Ivry-sur-Seine et laisse une œuvre inachevée, dans laquelle la disparition et la quête identitaire sont des thèmes essentiels.
Reconnu pour sa virtuosité stylistique, Georges Perec est tout autant un conteur du quotidien et de lui-même.
Perec entre à la Pléiade le 11 mai 2017, avec deux volumes rassemblant l’essentiel de ses écrits publiés avant sa mort.
À propos du roman “La vie mode d’emploi”
Si La Vie mode d’emploi, sous-titré Romans au pluriel, est assurément un roman singulier, c’est aussi et surtout un roman pluriel : près de 600 pages, 6 parties, 99 chapitres (le 100e a été mangé par une petite fille « qui mord dans un coin de son petit beurre Lu »), 2000 personnages, 10 ans de travail, 1 cahier des charges recensant 42 contraintes déclinées en 10 valeurs qui ont permis à Georges Perec de façonner ce texte aussi saugrenu que génial.
La Vie mode d’emploi est une autre tentative d’épuisement d’un lieu, un immeuble situé au 11 de la rue Simon-Crubellier (adresse fictive !), à Paris, un bric-à-brac d’objets, de souvenirs, de marottes, d’aventures, de mésaventures, de drames, d’histoires hétéroclites, rocambolesques et ordinaires.
Je n’essaie même pas de résumer La Vie mode d’emploi. Le faire reste un défi, de même que le lire l’a été ! La Vie mode d’emploi ne ressemble à aucun autre texte. Chef-d’œuvre improbable d’un auteur qui offre à ses lecteurs et ses lectrices l’expérience unique et ludique d’une lecture-puzzle aussi laborieuse qu’euphorisante ! Dans ce livre, l’abondance est le maître-mot : tout foisonne, des détails descriptifs aux histoires narrés, avec 2000 protagonistes qui fourmillent dans les dédales du temps. L’auteur revient sur les destins des habitants et des habitantes qui occupent ou ont occupé l’immeuble depuis sa construction en 1875. Perec raconte des histoires plus ou moins rocambolesques, souvent extravagantes, parfois banales : qu’ils soient de simples collectionneurs ou de grands voyageurs, tous les personnages sont singuliers, marqués par l’unicité de leur existence…
Cliquez ici pour dévorer ce livre incroyable (PDF)
Découvrez la vidéo (14’19) :
Merci à Jean-Philippe Depotte pour cette nouvelle explication.
Cette vidéo vous poussera peut-être à lire Georges Perec, à le relire ou peut-être même à le découvrir !
Avez-vous lu ce livre ? Vos retours m’intéressent. La zone commentaires est à vous !
À vous succès d’écriture…
Bonjour. Suite à la lecture de votre article, j’ai eu envie de commencer à lire « La vie mode d’emploi »… et je me suis arrêtée au 4ème chapitre tellement cette lecture m’a semblé indigeste. Trop, beaucoup trop de descriptions et aucun dialogue pour respirer, aérer cette histoire, qui pourtant semble intéressante en elle-même. Comme quoi, même les œuvres les plus reconnues peuvent ne pas faire l’unanimité, voire déplaire à certains lecteurs. Comme vous l’indiquez, vous avez relevé un réel défi en le lisant jusqu’au bout, bravo à vous.
Bonjour
En effet la lecture de ce livre peut rebuter mais d’une certaine façon, on se laisse happer par cette déferlante de descriptions sans dialogue.
Oui… c’est vrai, un vrai défi !