Ecrire, c’est communiquer. En tant qu’écrivains, nous sommes des expéditeurs et nos lecteurs des destinataires. Mais que communiquons-nous?…
Les histoires sont un moyen de communiquer de nombreuses choses, mais la principale d’entre elles est sans aucun doute l’émotion. Ainsi l’émotion reste l’un des meilleurs moyens d’accrocher votre lecteur.
1 / Votre écriture communique de l’émotion aux lecteurs
Lorsque vous lisez, vous n’absorbez pas passivement l’information. Et surtout dans le cas des fictions. En effet, quand vous lisez des histoires, vous vivez des événements, relevez des défis et ressentez des émotions. Et même assis, vous êtes en mouvement virtuel.
Un bon écrivain veille donc à ce que la tension existe à chaque page de l’histoire pour maintenir l’intérêt de son lecteur et le pousser à poursuivre sa lecture. Chaque accélération de la tension l’incitera à en découvrir davantage sur la suite de l’histoire.
L’imagination et les émotions des lecteurs donnent une grande part d’impulsion à cette tension. Aussi, en tant qu’écrivains, vous devez faciliter le transfert de la tension de vos mots à leur esprit.
Comment mieux communiquer ses émotions ?
Voici trois façons de mieux transmettre des émotions à votre lecteur :
1 / Amenez les lecteurs à se soucier de vos personnages le plus tôt possible
Les lecteurs doivent d’abord se soucier d’un personnage avant de s’investir émotionnellement dans ce qui lui arrive. C’est pourquoi l’un des premiers objectifs de votre histoire doit être d’amener votre lecteur à se soucier de lui.
2 / Montrez la douleur pour augmenter les enjeux émotionnels
La douleur est l’un des moyens les plus puissants d’augmenter les enjeux émotionnels d’une histoire tant pour celui qui l’inflige que celui qui la subit. Car ils prennent plus de substance et deviennent plus réels.
Il est important de garder à l’esprit que votre lecteur ne ressentira pas nécessairement ce que ressent le personnage. Le but, ici, est juste de puiser dans le puits émotionnel du lecteur afin de lui faire vivre quelque chose d’unique et de significatif pour lui.
La clé, c’est l’intensité. Dans son livre, Personnages et point de vue, Orson Scott Card insiste d’ailleurs sur ce point :
« L’intensité des sentiments des personnages, tant qu’elle reste crédible et supportable, intensifiera considérablement les sentiments du lecteur, quels qu’ils soient. »
Notez les limites du crédible et du supportable. Emmenez le lecteur hors de ces limites et vous risquez de le perdre. Aussi, soyez judicieux dans la façon d’appliquer la douleur à votre personnage. Il est souvent plus efficace de montrer les causes et les effets de la douleur plutôt que d’y faire ouvertement référence et de la décrire encore et encore.
3. Crescendo avec un choix de sacrifice
Un autre moyen puissant d’optimiser les enjeux émotionnels de votre histoire est le sacrifice.
Le sacrifice prédomine la douleur pour la simple raison qu’il est fait par choix.
Un personnage choisit de renoncer à quelque chose de précieux, sa vie par exemple, pour quelque chose de plus important.
C’est déchirant, non. Et cela résonne chez le lecteur !
Cette épreuve par choix a toujours plus d’intensité et plus de dimension que l’épreuve seule. Le sacrifice porte généralement en lui le nœud du conflit dans les histoires : la nécessité de choisir entre la meilleure des mauvaises options ou entre deux options inconciliables.
2 / Un exemple : Les Misérables de Victor Hugo
En terme d’épreuves et de sacrifices, il n’y a pas meilleur exemple que Les Misérables, l’histoire épique et déchirante de Victor Hugo.
Cela commence par l’injustice qui frappe Jean Valjean qui écope de dix-neuf ans de travaux forcés pour avoir volé une miche de pain afin de nourrir ses neveux.
Une première épreuve qui fait suite à son sacrifice, mais ce n’est que le début.
Car dans Les Misérables, on trouve toute une série de personnages qui font des choix difficiles et en subissent les conséquences :
Monseigneur Myriel qui sacrifie ses biens matériels pour donner à Valjean une seconde chance.
Fantine, qui sacrifie ses cheveux, ses dents, sa vertu et sa vie pour prendre soin de sa fille.
Éponine, qui souffre de vouloir ce qu’elle ne peut obtenir et sacrifie pourtant son bonheur pour celui qui le lui prend.
Marius Pontmercy souffre d’être déchiré entre poursuivre la femme qu’il aime ou combattre auprès de ses frères.
Les paysans ordinaires sacrifient leurs meubles, même des pianos prisés, pour créer une barricade pour les rebelles.
Le petit Gavroche, qui affronte vaillamment l’armée française et donne sa vie pour ses camarades.
Même Javert, le méchant de l’histoire, qui incarne la justice implacable et rigide, enchaîne sacrifices et épreuves. Une suite qui ne manquent pas de toucher les émotions du lecteur.
Et enfin, le héros, Valjean, qui fait toute une série de sacrifices tout au long de l’histoire. Rien de tel vous en conviendrez pour augmenter la tension et pousser le lecteur à tourner les pages.
3 / L’émotion est la clé du cœur du lecteur
Une émotion authentique et intense est la clé pour atteindre le cœur du lecteur. N’oubliez pas qu’une histoire, présentée efficacement, communique l’émotion permettant au lecteur de vivre quelque chose d’unique et de significatif.
Autant que nous pourrions espérer les éviter dans la vraie vie, la douleur et le sacrifice sont des ajouts souhaitables à une histoire. Ils ajoutent de la dimension et de la richesse à ce processus bidirectionnel entre l’écrivain et le lecteur.
Avez-vous déjà utilisé les principes de la douleur et du sacrifice pour enrichir votre propre écriture ?
En avez-vous fait l’expérience dans vos lectures ?
La zone des commentaires est à vous…
À vos succès d’écriture…
Merci, Marie-Adrienne, pour cet excellent article!
La question du juste dosage est tout à fait cruciale et pas évidente à obtenir, à mon sens… Dans certaines de mes nouvelles, on m’a déjà dit « ce n’est pas un peu « trop », le chemin de souffrance de cette femme? » Et pourtant, ce personnage était grandement inspiré de faits réels… Il n’empêche que son chemin de croix paraissait trop épouvantable pour être crédible. C’est probablement que je ne l’avais pas « amené » de la bonne façon.
Pour ma part, j’ai déjà eu ce sentiment dans l’œuvre de Franck Bouysse, « Né d’aucune femme. » Sans divulguer ce qui s’y passe pour celles et ceux qui ne l’ont pas lue, j’ai trouvé que l’enchaînement de souffrances, précisément, dépassait mon seuil de tolérance et en venait à gâcher la crédibilité du livre. (Ce qui n’enlève rien à la qualité d’écriture de Monsieur Bouysse, bien entendu). Pour moi, c’était trop et pour autant, il m’est déjà arrivé de lire du « gore », bien pire dans les descriptions d’atrocités physiques et psychologiques, sans ressentir cet écœurement.
Les mystères du dosage…
Bonjour Cathy Reulier,
Je vous suis totalement! Moi, j’aime les histoires émouvantes (du style: tendresse, sacrifices, douleur, romance …) mais j’aime beaucoup moins lorsqu’il s’agit « d’atrocité » comme vous l’avez écrit, ou lorsque c’est beaucoup trop « déchirant », trop « douloureux ». Comme je l’avais dit, c’est beau et important de savoir susciter la compassion, le partage des sentiments avec le lecteur mais, moi, j’ai des limites. Il y a des choses qui sont beaucoup trop difficiles et ça l’est encore plus, lorsque l’on pense que certaines personnes peuvent vraiment connaitre des situations si dramatiques; tragiques. Et, là alors, je me dis « ce genre de littérature est ignoble pour ces personnes souffrantes! », bien que je sais que cela peut aider certains. Dans tout les cas, j’espère sincèrement, que ces auteurs écrivent avec respect et non pour ce moquer ou juste pour leur plaisir d’écrire la souffrance.
Bien respectueusement,
Bonjour Marie-Adrienne, cet article est très bien. Dans mon cas il m’arrive même d’oublier la description des lieux tant je suis subjuguer par l’émotion de mes personnages. Si je pouvais ajouter, je dirai aux auteurs que lorsque vous avez finit d’écrire un passage, lisez-le (à voix haute pourquoi pas?) et si vous-même vous ressentez qq chose c’est que vous êtes sur la bonne voie… Si ce n’est pas le cas alors soyez honnête avec vous-même et faite appelle à plus de mots magiques!(blessé(er), contrarié, embarrassé etc…)
Bonjour Marie-Adrienne,
Votre nouvel article est très intéressant et honnêtement, pouvoir et savoir faire passer des émotions, susciter la compassion du lecteur, ce sont des choses très importantes lorsqu’on écrit une histoire et ceci est valable pour tout genre d’histoire.
Je me permets de vous complimenter sur « En tant qu’écrivains, nous sommes des expéditeurs et nos lecteurs des destinataires »; je trouve que c’est véritablement bien dit (ou plutôt, écrit!).
Pour répondre à vos questions, oui, moi, c’est comme une « manie » d’utiliser ces principes (douleurs, sacrifices, tendresse aussi . . .). Et lorsque je lis, j’apprécie énormément d’un livre, les sentiments qu’il dégage et le sentiment de vivre avec le(s) personnage(s).
Voilà ma pensée,
Bonne continuation,
Hâte de lire vos prochaines publications,
A bientôt!:)
Je suis d’accord avec vous, Marina le travail de Marie-Adrienne est super pour tous les auteurs, elle aide réellement!
Merci !
Bonjour, cet article vient de me faire réaliser quelque chose.
Si certain.e.s d’entre vous sont familier.e.s du livre « Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même », vous allez comprendre.
Les histoires qui m’ont le plus touchées revêtent du caractère de l’injustice car il s’agit de ma blessure principale. Tout ce qui se déroule dans « Les misérables » comme décrit plus haut est à la limite du supportable pour moi, et pourtant réveille un sentiment de révolte.
Puis-je en déduire que nos réactions aux peines que subissent des personnages sont accrues en fonction de nos propres peines, même refoulées ? Peut-on ainsi se servir des 5 blessures pour toucher tout le monde ?
Dit ainsi, cela semble évident. Mais en tant qu’écrivaine, je me rends compte qu’en dehors du passif de mes personnages, les axes principaux de mes histoires sont basées sur l’injustice. Quelle limitation inconsciente établie sur mes propres ressentis ! Il serait temps de diversifier un peu !
Merci Marie-Adrienne d’avoir contribué à cette illumination ! J’espère que mes élucubrations serviront aussi à quelqu’un d’autre XD
Contente de lire que cet article a pu servir
Merci Flo, vous avez susciter en moi un réel déclic authentique.
Mél.
Bonjour Marie-Adrienne,
Ce simple commentaire pour vous remercier de votre travail précieux et de votre grande rigueur, qui sont précieux et appréciables !
Je vous souhaite une bonne fin de journée,
Merci !
Merci Pour cet article