Connaissez-vous ce dicton de l’édition : « la première page vend le livre ; la dernière, le livre suivant »?
Le début et la fin d’une histoire
Je suis convaincue que cette phrase renferme une grande part de vérité. Le début et la fin de toute histoire sont des éléments critiques que vous devez vraiment maitriser.
Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur la façon de commencer une histoire.
En d’autres termes, comment pouvez-vous créer un début qui accrochera les lecteurs et leur fera tourner cette première page si importante.
Sachez-le, les éditeurs et vos lecteurs se baseront sur vos premières lignes pour juger le reste de votre histoire. Vous disposez donc d’une petite fenêtre d’influence d’environ soixante secondes avant que ce jugement initial ne se confirme. Il s’ensuit donc que le début de votre roman est le bon endroit pour investir votre temps et vos efforts.
Mais écrire un début convaincant n’est pas une tâche facile à accomplir. D’autant qu’en plus de capter l’attention des lecteurs, vous devez les ancrer dans un cadre, établir une voix, faire allusion à un thème et présenter un protagoniste qu’ils pourront suivre et soutenir.
Alors comment faire ?
Pour écrire un bon début, vous devez répondre aux questions spécifiques que se posent vos lecteurs et en susciter d’autres.
L’histoire tourne autour de questions. Et susciter des questions dans la tête de vos lecteurs leur fera tourner les pages, mais attention, vous les perdrez si vous ne fournissez pas de réponses.
Vous le savez bien, l’écrivain et le lecteur sont liés. Alors, si vous voulez que votre lecteur s’engage dans votre histoire, il est préférable d’insérer quelques éléments essentiels dès le départ.
Et ces éléments, les voilà :
1 / C’est l’histoire de qui ?
Vous demandez à votre lecteur de passer du temps avec votre protagoniste. Alors forcément, ils voudront savoir avec qui
2 / De quel genre d’histoire s’agit-il ?
Les lecteurs se lancent dans un livre à la recherche d’un type particulier d’expérience de lecture et vous devez leur faire savoir qu’ils sont au bon endroit.
3 / Quand et où se passe l’histoire ?
Il est extrêmement important pour vos lecteurs d’avoir ce genre de précisions. Sans cela, vous les perdrez vite !
4 / Quelle est l’histoire derrière l’histoire ?
Quand les lecteurs pensent histoire, ils pensent aussitôt intrigue. Les écrivains eux savent que la véritable histoire est interne. Bien que vous n’évoquiez pas nécessairement comment les événements affectent les personnages dès la première page de l’histoire, faire allusion à la lutte interne du héros mettra d’emblée les lecteurs de son côté…et du vôtre !
Répondre aux 4 questions précédentes vous aidera à capter l’attention des lecteurs dès les premières lignes.
Mais vous devrez faire plus et donner une raison à vos lecteurs de tourner la première page.
Comment ?
Découvrez-le en poursuivant la lecture de cet article
8 façons convaincantes de commencer une histoire
D’après ce qui précède, on déduit que les premières lignes d’une histoire doivent introduire un personnage, dans un cadre, avec un problème.
Voilà 8 façons convaincantes de le faire :
1/ Démarrer avec une voix « forte »
Exemple :
Mae Mobley est née un dimanche matin tôt en août 1960. Un bébé d’église comme on dit Moi je m’occupe des bébés des Blancs, c’est ce que je fais, et en plus de tout le boulot de la cuisine et du ménage. J’en ai élevé dix-sept de ces petits dans ma vie. Je sais comment les endormir, les calmer quand ils pleurent et les mettre sur le pot le matin avant que les mamans aient seulement le temps de sortir du lit.
2 / Démarrer avec une anecdote pertinente
Exemple :
Quand Ella Brady avait six ans, elle est allée à Quentins. C’était la première fois que quelqu’un l’appelait Madame. Une femme en robe noire à col de dentelle les avait conduits à table. Elle avait installé les parents d’Ella, puis avait tendu une chaise à l’enfant de six ans. « Vous aimeriez peut-être vous asseoir ici, madame, cela vous donnera une vue complète de tout », a-t-elle déclaré. Ella était ravie.
3 / Démarrer avec un mystère intrigant
Exemple :
La vie des gens – leur vie réelle, par opposition à leur simple existence physique – commence à des moments différents. La vraie vie de Thad Beaumont, un jeune garçon qui est né et a grandi dans la section Ridgeway de Bergenfield, New Jersey, a commencé en 1960. Deux choses lui sont arrivées cette année-là. La première a façonné sa vie ; la seconde y a presque mis fin.
4 / Démarrer avec une scène qui rend mal à l’aise
Exemple :
D’un ciel sans nuages, un jour de novembre sans vent, une ombre soudaine s’est abattue sur la Corvette aqua lumineuse. Tommy Phan se tenait à côté de la voiture, sous un soleil d’automne agréablement chaud, tendant la main pour accepter les clés de Jim Shine, le vendeur, lorsque l’ombre fugace l’a touché. Il entendit un bref bourdonnement comme des ailes frénétiques. En levant les yeux, il s’attendait à apercevoir une mouette, mais pas un seul oiseau n’était en vue.
5 / Démarrer avec de l’émotion
Exemple :
Je suis devenu ce que je suis aujourd’hui à l’âge de douze ans, par une journée glaciale et nuageuse de l’hiver 1975. Je me souviens du moment précis, où tapi derrière un mur de boue éboulé, j’ai jeté un regard furtif dans l’impasse située près du ruisseau gelé. La scène date d’il y a longtemps mais, je le sais maintenant c’est une erreur d’affirmer qu’on peut enterrer le passé : il s’accroche tant et si bien qu’il remonte toujours à la surface. Quand je regarde en arrière, je me rends compte que je n’ai cessé de fixer cette ruelle déserte depuis vingt-six ans.
6 / Démarrer avec une phrase originale ou surprenante
Exemple :
Le monde a des dents, et quand l’envie le prend de mordre il pouvait vous mordre, Il ne s’en prive pas.
7 / Démarrer avec un personnage intrigant
Exemple :
D’abord les couleurs. Puis les humains. C’est généralement comme ça que je vois les choses. Ou du moins, comment j’essaie.
8 / Un monde qui bascule
Exemple :
Premier signe ? Les corbeaux.
Tandis que le chemin cahoteux traversait de vastes champs d’orge, un vol de corbeaux s’élança, tel un immense voile noir. Ils fendirent le bleu du matin et, vu l’ampleur de leur débâcle, ils n’étaient pas effarouchés par un simple bruit. Pris de panique, les oiseaux tournoyés, partaient en piqué, fonçaient n’importe où et battaient violemment des ailes tombèrent et battirent des ailes, quitte à se percuter entre eux. Résultat, certains s’écrasaient sur la route, le bec et les ailes brisés, puis tressaillirent au fond des ornières en tentant de redécoller en vain.
Investissez dans un bon début
Passer du temps et concentrer vos efforts à créer une superbe ouverture pour votre histoire est un bon investissement. Cependant, s’en inquiéter peut vous retarder. Si vous peinez à savoir comment commencer votre histoire, écrivez un début spontanément et passez à autre chose.
Lorsque vous aurez atteint la fin de votre histoire et que vous aurez une meilleure maîtrise du thème, du ton et des personnages, revenez en arrière et peaufiner un début parfait.
Cette façon de faire peut vous donner l’occasion de terminer votre histoire avec un début qui fait écho à votre fin, en enfermant votre histoire dans un joli paquet thématique qui saura satisfaire vos lecteurs.
J’ai évoqué quelques idées pour vous permettre de bien démarrer votre roman, mais il existe de nombreux autres types d’ouvertures à explorer. Je pense par exemple à un dialogue dans lequel on peut dire beaucoup en peu de mots. Je n’ai pas d’exemple précis en tête mais je l’ai déjà vu, et ca fonctionnait plutôt bien.
Si vous rencontrez des problèmes pour écrire vos débuts de roman, rendez-vous à la bibliothèque ou dans une librairie et voyez comment les autres ont fait. Vous êtes sûr de trouver une idée qui fonctionnera pour votre histoire.
Avez-vous du mal à commencer une histoire?
Quelles début de livres vous ont marqué ?
À vos succès d’écriture…
Bonjour,
Ce sont les débuts de Stephen King et de « la voleuse de livres » qui m’ont le plus marquée.
J’ai bien aimé le début de « la couleur des sentiments » également. Moins surpris car déjà lu, contrairement aux autres.
Après, vos conseils sont bons et vrais. Tout se dessine dans les premières lignes d’un livre.
Bonjour
l’article est plein de bonnes astuces à pratiquer sans réserve ; pourtant il a failli aller droit à la poubelle à cause de son titre !
Un chiffre pour ouvrir et des majuscules à un mot sur deux, c’est le signe des marketeurs de seconde zone qui vendre « 10 Jours pour atteindre le Bonheur sans Efforts » et autres fadaises.
J’apprécie beaucoup les conseils de Marie-Adrienne, j’espère qu’elle ne nous fera pas trop souvent ce coup-là.
Bonjour
Non je ne verse pas dans le marketing de seconde zone. J’ai juste lu une étude qui expliquait l’impact de cette technique de majuscules sur les ouvertures d’articles. J’essaye donc ! Car en vrai, je me décarcasse pour écrire des articles de qualité, bourrés d’astuces, de conseils et autres. Et je ne cache pas que j’apprécierai de voir ce blog bouger davantage. Constituer une vraie communauté et avoir des abonnés qui s’impliquent plus. Dans les commentaires par exemple mais aussi dans la diffusion de mes articles dans leur cercle. Sans compter que je suis régulièrement sollicitée par des sociétés de pub qui lorgnent mon blog afin d’y caser leurs pubs flash toutes les 3 secondes. Même si je pouvais en tirer des gains, je refuse pour ne par pourrir l’espace du blog visuellement et qu’il reste agréable aux abonnés anciens et nouveaux. Alors marketeur de seconde zone ? Non, vraiment je ne crois pas !
Bonjour
En ce qui me concerne, je m’attache plus au fond qu’a la typographie.
Tout comme, je ne critique/juge jamais l’apparence de personnages illustres.
Je les lis, écoute et admire avant tout
Qu’ils soient
-habillés avec des vêtements bon marché (Grigori Perelman)
-avec une chevelure de dément (A Einstein)
-avec des moustaches hors du temps (S Dali)
-porteur de broche géante en forme d’araignée en arrivant en chaussettes dans un congrès (C Villani)
-porteur d’une robe de bure (l’abbé Pierre)
-etc
Donc :
Longue Vie au Blog de Marie-Adrienne
Et, comme elle le précise :
Rendons Le Vivant
Merci! Marie-Adrienne,
Conseils toujours efficaces et percutants!
Très Bonne Soirée!
Bien cordialement!
Evelyne
Bonjour Marie,
Merci de nous enrichir de vos conseils. Ces informations sont vraiment utiles. Merci encore.
connaissances et informations précieuses .
Bonjour,
Pour moi, le début de livre qui m’a le plus marqué est le premier tome du Trône de Fer, La glace et le feu. C’était il y a des années, je me souviens l’avoir lu en librairie, intriguée par le titre du livre, et là je me suis dit: « Puissant pour un début! » J’ai acheté le tome d’emblée (et les suivants plus tard…) Une atmosphère inquiétante, des personnages isolés en pleine forêt, la neige, le froid, et un événement inattendu où l’on évoque un danger sombre… un futur probablement tourmenté. Franchement pour moi c’était un début génial!!
En général pour mes textes (je n’ai pas encore écrit un roman jusqu’au bout), j’adore écrire le début (c’est le moment que je préfère), poser une ambiance et ouvrir les yeux d’un personnage. Je pense qu’écrire des débuts de différentes façons comme proposé dans cet article de blog, peut être un bon exercice 🙂 Merci pour les bons conseils!
Bonjour,
Merci pour ce très bel article, concis et concret.
J’aimerais ajouter qu’il existe une revue littéraire intitulée « débuts » qui publie des incipits de roman d’auteurs confirmés ou débutants.
J’attends avec impatience vos prochains conseils d’écriture.
Bertrand
Merci Bertrand pour la référence de la revue, je ne connaissais pas DEBUTS
A vos succès d’écriture
Bonjour Marie-Adrienne
Merci beaucoup pour cette chronique particulièrement bien illustrée.
J’ai toutefois quelques petites questions.
Ces conseils s’appliquent ils également pour une nouvelle ou faut-il utiliser des règles propres à ce genre ?
Si oui quelles sont ces règles ?
Merci
Bien cordialement
Bonjour
Je pense qu’on devrait pouvoir utiliser ces façons dans une nouvelle.
A tester.
Merci Marie-Adrienne
Je testerai sans modération au prochain concours de nouvelles.
J’aime bien les contraintes dans l’écriture (sans elles je n’écrierais pas, ou moins facilement).
J’en profite pour interroger la communauté :
Ecrivez vous plus facilement avec ou sans contraintes ?
Sans hésitation aucune : avec. En même temps n’est-ce pas déjà ce que nous faisons lorsque nous écrivons, qu’on le veuille ou non ? Je pense que nous parsemons nos chemins d’écriture de micro-contraintes (et macro) plus ou moins apparentes. De « il faut absolument que mon personnage fasse ça à la fin de ce chapitre » à « J’ai choisi d’écrire un roman historique sur la période de la Renaissance » (ce qui inclut un sacré paquet de contraintes vous l’entendez bien). Et on peut l’étendre à à peu près tout… Je réfléchissais à un moment où j’avais écrit sans contrainte pour la dernière fois, juste comme ça, juste en laissant venir à moi la voix de ma muse… Et bien ça remonte à loin. Bref tout ça pour dire que comme Xavier, j’aime beaucoup m’imposer des contraintes. Je trouve que ça fait avancer.
Perso j’aime bien écrire avec des contraintes. On tergiverse moins et on donne une direction à son imagination.
Bonjour Marie-Adrienne, Jérôme
Merci pour vos réponses
Petite précision :
J’entendais par contraintes des règles imposées par autrui (Incipit, thème, mots à placer, nombre de pages/signes, etc.)
Je ne suis pas encore arrivé à m’imposer mes propres règles (cela part dans tous les sens dans ma tête , ne démarre pas et donc n’aboutit jamais)
Les concours de nouvelles (que je n’ai découverts que très récemment) me donnent cette ligne directrice.
C’est un peu comme le footing hygiénique, si personne ne me montre le parcours et part devant moi, je ne cours pas
Et pour rester dans le champ des incipits, je suis retourné voir comment je commençais mes écrits. Je me rends compte que j’ai déjà mixé les points 2 et 4 pour rédiger une anecdote qui met mal à l’aise mais que d’ordinaire je suis plutôt adepte de l’entrée 6 et de la phrase un peu originale. J’ajouterai que j’apprécie aussi (je ne sais trop pas pourquoi) un début dialogué. Peut-être parce que je trouve qu’en quelques lignes de dialogue on caractérise parfois beaucoup plus un personnage qu’en de longs paragraphes narratifs.
Bonjour Jérôme
Le dialogue est en effet une neuvième façon de démarrer son histoire. Mais je ne l’ai pas évoqué car il demande quand même d’avoir une certaine maitrise de son histoire selon moi pour sonner vrai et plonger dans l’histoire. Maintenant on peut très bien commencer par un dialogue et y revenir plus tard voire à la fin du roman pour affiner ce dialogue d’entrée.
Bonjour,
Que pensez-vous d’un début fait de descriptions ? Décrire par exemple un cadre, un paysage tranquille avec ce qu’il dégage en émotion, et petit à petit arriver à la 3ème page à un événement fort ou violent qui se produit dans ce cadre qu’on pensait tranquille.
Bonjour
Je pense que ca peut le faire. Mais il ne faut pas que la description soit trop longue. Il n’est pas nécessaire d’écrire 2 pages pour planter un décor tranquille
En choisissant bien vos mots, vous pouvez vous limiter facilement. Etablissez la liste de mots susceptibles de définir la quietude d’un lieu. Et rédigez votre texte.
A vos succès d’écriture