Il y a quelques jours Aimé, fidèle lecteur du blog, m’a envoyé les liens d’une émission diffusée sur France Culture le 2 octobre 2019…
Le thème vous l’aurez deviné : le style littéraire.
En voilà une retranscription.
Définir le style de façon générale semble une gageure, tant chaque écrivain s’en fait une conception personnelle.
Le dictionnaire Hachette a tenté une définition. Le style, c’est la manière d’utiliser les moyens d’expression du langage, propre à un auteur, à un genre littéraire, etc. Style clair, précis, élégant ; obscur, ampoulé. Style burlesque, oratoire, lyrique. Style administratif, juridique.
Mais au fond, le style, qu’est-ce que c’est ?
Peut-on vraiment le définir ?
Dépouillé, prolixe ou lapidaire, maniéré ou laconique… Il y a autant de styles que d’écrivains, et ce sont eux qui en parlent le mieux. Céline, Duras, Sagan ou encore Houellebecq… expriment ce que c’est pour eux que le style littéraire.
Louis-Ferdinand Céline, 1959
C’est rare un style, monsieur. Un style, il y en a un, deux, trois par génération.
Nathalie Sarraute, 1973
C’est quelque chose qui est en train de se faire dont on ne sait pas ce que c’est et dont on ne sait pas où ça va. C’est ça, c’est de l’existence.
Jean Cocteau, 1960
Il ne faut pas adopter un style. Il faut avoir du style et alors si vous avez du style vous pouvez vous répéter mais dans tous les sens et sous différents angles. C’est comme un objet que vous montrez sous différentes lumières et qu’on découvre des beautés qu’on ne découvrirait peut-être pas dans un seul regard.
Marguerite Duras, 1984
Du style je ne m’en occupe pas. Je dis les choses comme elles arrivent sur moi, comme elles m’attaquent si vous voulez, comme elles m’aveuglent. L’écriture courante que je cherchais depuis si longtemps je l’ai atteinte. Par écriture courante, je dirai écriture presque distraite qui court qui est plus pressée d’attraper des choses que de les dire. Je parle de la crête des mots c’est une écriture qui courrait sur la crête pour aller vite, pour ne pas perdre.
Julien Green, 1983
Ça ne coule pas de source. J’ai beaucoup de difficultés à écrire pour obtenir cette simplicité, c’est ce qu’il y a de plus beau la simplicité. Quand je me trouve à cette table avec rien dans la tête, rien à dire, la page blanche et puis il faut que quelque chose se passe, je suis malheureux et puis tout à coup les phrases viennent très lentement et elles se succèdent.
Sénèque
Le style est le vêtement de la pensée.
Léopold Sédar Senghor, 1961
Les valeurs de la sensibilité et de la sensualité, les images, les couleurs, les rythmes sont la matière essentielle de la poésie négro-africaine.
François Mauriac, 1968
Je crois que chez un écrivain ce qu’on appelle méchanceté c’est un certain style, c’est un certain ton.
Françoise Sagan, 1984
J’ai envie d’aller vite. Au début c’était parce que je tapais à la machine et comme je tapais avec 3, 4 doigts ou 6 doigts, enfin j’exagère un peu mais il y avait un petit côté matériel. Et donc j’avais envie d’aller au plus vite pour abréger ce supplice. Mais en dehors de ça j’aime bien aller vite à l’essentiel, s’il y a un essentiel et je n’ai pas envie de tournicoter.
Aristote
La première qualité du style c’est la clarté.
Michel Houellebecq, 1998
Je fais des choses qui partent un peu dans tous les sens. Et j’essaye quand même que ça puisse être intéressant à lire.
Simone de Beauvoir, 1984
Quand j’écrivais Le Deuxième sexe, je ne me souciais pas tellement de la manière dont c’était écrit, il y avait des choses à dire et même s’il fallait les dire d’une façon un peu difficile en employant du vocabulaire philosophique je cherchais avant tout l’exactitude de ma pensée. Quand j’écris un roman, il faut arriver à faire vivre des êtres imaginaires et pour cela il faut que le langage même serve de chair et d’os à ces personnages.
Frédéric Dard, 1975
L’imagination tu ne peux pas la contrôler c’est elle qui s’impose à toi. Tu te mets devant une feuille blanche et puis brusquement tu te mets à raconter une histoire. Et il y a des personnages qui surgissent de ton passé, de tes fantasmes et alors tu te mets à tartiner et puis ces gars prennent corps ils ont un sang, ils ont une gueule, ils font des choses qui t’épatent toi-même.
Victor Hugo
L’adjectif, c’est la graisse du style.
Saul Bellow, 1982
Je pense qu’il est important de défendre le style. Je crois que nous risquons de perdre quelque chose d’extrêmement important qui reflète notre façon de vivre, nos espérances. Et tout ça est remplacé par la trépidation de la vie quotidienne cela détruit notre pensée, notre littérature.
Intéressant ces visions si divergentes du style littéraire, n’est-ce pas ?
Maintenant, c’est à vous que je pose la question
Pour vous, qu’est-ce que le style littéraire ?
Je suis curieuse de lire vos réponses.
Le style pour moi c’est la « façon de dire ». Chacun a la sienne. Il faut savoir aimer son propre style et chercher toujours à le rendre intelligible au lecteur. A travers le style on retrouve l’âme de l’auteur.
Bonjour Marie-Adrienne,
Le style littéraire, pour moi, est la façon la plus personnelle de raconter les choses. Dans le fond, c’est l’essence même du narrateur, son moi intime. Et dans la forme, une manie, un tic reconnaissable qui lui confère un charme que l’on identifie et qui fait qu’on l’aime, comme on peut aimer chez quelqu’un sa rousseur,le ton de sa voix ou son humour singulier…
Bonjour Marie-Adrienne,
Le style est impalpable. C’est plutôt une impression agréable ou pas. En ce qui me concerne, ce sont les impressions qu’il me reste une fois le livre refermé. Le style, c’est l’efficacité à toucher droit au cœur le lecteur. C’est arriver, pour un auteur, à dévoiler des sentiments sans verser dans le voyeurisme, le sentimentalisme, le glauque. Susciter plutôt que d’utiliser des images préfabriquées ou autres monstruosités en carton-pâte.
Merci Aimé pour ton partage !
Le style est d’abord la sensation que l’auteur a et ensuite décide de la transmettre aux lecteurs à travers de belle lettre autour d’une histoire bien racontée. Cette sensation particulière qu’il donne au lecteur à travers ses écrits devient son identité graphique.
Bonjour, Marie-Adrienne,
Pour moi, le style est personnel, il est le reflet de l’âme de chaque personne qui écrit, il est sa signature. Cependant, celui qui écrit doit s’imposer de respecter les normes de rédaction, notamment celles qui régissent le respect des syntaxes, l’ordre des mots, la construction des phrases et leur place dans le récit. S’abstenir de ce respect, c’est prendre le risque d’être incompris et donc non lu.
Le style c’est la façon de faire cohabiter les mots pour exprimer sa pensée sans perdre de vue la clarté. Il plaît ou il ne plaît pas au lecteur.
Ce quelque chose qui fait rêver le lecteur, l’amuse, l’eblouie, le surprend.
Pour moi, le style, c’est l’ensemble des choix que fait un auteur. Je ne me reconnais pas dans la définition que beaucoup en font, et qui prétendent que le style correspondrait simplement au « choix des mots ». Cette expression dit tout et rien à la fois. Le style n’est pas simplement l’habillage du texte, il est le texte. Il n’est pas juste le comment, il est aussi le quoi. Je ne pense pas que le style puisse être réduit à la dimension poétique d’un texte, au vocabulaire et à la syntaxe. Comment définir le style de Proust, par exemple? La plupart des gens répondrait qu’il consiste en des phrases longues, interminables, qui décrivent pendant des pages un détail insignifiant. Pourtant, cette définition très analytique et terre à terre exclut totalement ce qui fait Proust : une analyse fine des personnages et une plongée vertigineuse dans les pensées profondes de l’auteur. Le style, c’est ce qu’on dit, avant d’être comment on le dit. Un auteur construit son style par ce qu’il choisit de dire et ce qu’il choisit d’omettre.
Certaines des définitions habituelles du style laissent penser que l’essence est la même partout, et que seule la manière de l’exprimer varie. Ainsi, chaque auteur ne serait qu’une adaptation d’un autre. Mais c’est oublier que les auteurs font des choix différents. On ne peut transposer la prose de Proust pour en faire du Hemingway, tout simplement parce qu’Hemingway ne prendrait pas le temps de décrire en quoi une poignée de porte lui rappelle son grand-oncle, ce n’est pas son style 😉 On aura beau resserrer les mots, supprimer les adverbes, raccourcir les phrases, rien n’y fera.
Mais tout cela ne constitue que des réflexions personnelles, et j’ai bien conscience qu’il y a autant de définitions du style qu’il y a de définisseurs.
C’est chouettes vos définitions. Chacun de vous a utilisé un style propre à lui pour expliquer ce qu’il entend par « style ». Je trouves vraiment superbes vos définitions: » à travers le style on retrouve l’âme de l’auteur » (De Boisvilliers Jeanine); « il est le reflet de l’âme de chaque personne qui écrit, il est sa signature »( Mireille Lemaître), « c’est l’essence même du narrateur, son moi intime » (Gérard Marc),etc. C’est vraiment l’essentiel. Qui peut dire mieux? Sans vouloir lui ôter sa quintessence, il n’est pas facile de définir autrement le mot » style ».
Moi aussi je trouve chouette que chacun ait sa définition du style.
Le style,c’est la façon de transmettre au lecteur les émotions, de l’emmener dans l’action, de lui montrer sa pensée sous un certain éclairage. Ce sont les différentes formes d’écriture plongent le lecteur dans l’univers de l’auteur. Ce qui laisse transpirer le monde intérieur de l’auteur
Bonjour Marie-Adrienne , Bonjour à tous,
Qu’est-ce que le style littéraire d’un écrivain, sinon l’identité de son monde intérieur.
C’est d’ailleurs cette définition que je lis entre les lignes de Sarraute , Duras, Beauvoir et Dard.
En conséquence – et là je réponds au commentaire de Mireille Lemaitre – je pense que le style littéraire d’un écrivain n’est pas tributaire des normes syntaxiques. J’en veux pour seul exemple le style elliptique d’Annie Saumont, lequel s’affranchit délibérément des règles de la syntaxe. Et pourtant le lecteur ferme le livre en se disant que l’auteur a rempli son contrat envers lui … Parce que l’essentiel a été dit.
Le style littéraire serait pour moi l’ encre déposée sur la page blanche à fleur de peau.
En définitive, je crois que le style littéraire, c’ est ce qu’ on oublie pas.
Du style, je n’en ai pas, au dire d’un ami et un de mes lecteurs.
J’écris comme je pense: voilà mon style. Je suis un conteur, je racontes de mes histoires en mêlant fiction et réalité.
Félicitation à tous et toutes.
J’ai aimé vous lire.
Le style? C’est de la littérature. La bonne. Pas de bonne littérature sans le style qui singularise l’écrivain. Le style c’est comme une voix reconnaissable.
Le style, c’est le relief d’un texte qui procure au lecteur cette délicieuse impression d’évoluer dans un paysage varié, chatoyant, majestueux, loin du plat pays.
C’est un fondant au chocolat dont on apprécie toutes les saveurs amères exotiques, et les consistances, variées.
Pour moi le style c’est une atmosphère que je sens rapidement. Quelque chose de particulier, sous le charme des mots et des phrases.
Difficile de s’en détacher ou d’oublier, même après avoir refermer le livre,
des images, des couleurs des personnages nous enlacent encore.
Le style c’est un gant de soie que l’auteur enfile dans le canevas de ses mots, et qui laisse pourtant une empreinte.