D’origine italienne, Umberto Eco (1932) a écrit de nombreux romans et essais. Linguiste de formation, il s’intéresse principalement à la sémiotique (étude des signes et de leurs significations), à la philosophie et à la littérature. Dans Apostille au Nom de la rose, il révèle la genèse de son célèbre roman.
Avec Le Nom de la rose, Umberto Eco a acquis une audience internationale. En sa compagnie et celle des moines, des millions de lecteurs ont vécu dans une abbaye bénédictine durant une semaine en l’an de grâce 1327.
Ce roman policier médiéval, « thriller » gothique, à la fois enlevant, drôle et instructif, joue ironiquement sur une de nombreuses références littéraires et érudites.
Le Nom de la rose : résumé du livre
En 1327, à une époque où le pouvoir du pape est contesté par l’empereur d’Allemagne et par de nombreux hérétiques qui reprochent à l’Église sa corruption, Guillaume de Baskerville, un franciscain anglais, ex-inquisiteur qui voyage en compagnie du jeune Adso de Melk (qui est le narrateur), arrive dans une prestigieuse abbaye bénédictine d’Italie où se tient une importante rencontre entre franciscains et envoyés du pape avignonnais, Jean XXII, en désaccord sur des points théologiques et politiques. Il est amené à enquêter sur la mort mystérieuse d’Andelme, jeune moine enlumineur. C’est le premier des assassinats qui seront perpétrés au cœur de cette vie monastique.
Le roman suit le rythme de vie de l’abbaye : il est divisé en journées, elles-mêmes subdivisées en heures de prières : matines (la nuit entre 2 h 30 et 3 h), laudes (5-6 heures du matin), prime (à 7 h 30), tierce (vers 9 h), sexte (midi), none (2-3 heures de l’après-midi), vêpres (vers 4 h 30) et complies (6 heures). Crimes et rebondissement de l’intrigue policière, tout va advenir en l’espace de sept jours.
À la fin du livre, Guillaume et Adso reprennent la route, puis se séparent. Des années plus tard, Adso retourne à l’abbaye et recueille des feuillets restés intacts.
Après ce succès, l’auteur a reçu quantité de questions.
Pourquoi l’intrigue se déroule-t-elle au Moyen Âge ? Pourquoi en novembre de l’an 1327 et à la fin du mois ? Pourquoi une bibliothèque conçue comme un labyrinthe ? Pourquoi une histoire digne d’un roman policier classique ?
En 1983, Eco publie Apostille au Nom de la rose, un livre dans lequel il répond à toutes les questions de ses lecteurs. Il raconte comment et pourquoi lui philosophe sémiologue a pu écrire un livre devenu un best-seller adapté à l’écran par Jean-Jacques Annaud.
Pourquoi avoir écrit Le Nom de la rose ?
Simplement parce que l’idée lui est venue. Et que selon lui, c’est une raison suffisante pour raconter !
Il a commencé à écrire en mars 1978 – le roman sera publié en 1980 – avec pour seule idée de base : l’envie d’empoisonner un moine.
Comme le moyen âge faisait son quotidien à l’époque, il choisit cette période pour écrire pour son histoire.
Comment a-t-il écrit Le Nom de la rose ?
D’abord, il a lu et relu les chroniqueurs médiévaux pour en acquérir le rythme et la candeur.
Il prétend avoir ainsi redécouvert ce que les écrivains ont toujours su : les livres parlent toujours d’autres livres et chaque histoire raconte une histoire déjà racontée. Lui s’est inspiré d’Homère, de l’Arioste, Rabelais ou Cervantes.
Les noms « Baskerville » et « Adso » sont des allusions à des personnages de Conan Doyle, Guillaume de Baskerville étant un Sherlock Holmes avant la lettre qui fait preuve d’un esprit déductif, scientifique, tandis qu’Adso est Watson.
Le moine bibliothécaire frappé de cécité a été inspiré à Umberto Eco par Jorge Luis Borges, aveugle bibliothécaire à Buenos Aires.
Umberto Eco ouvre son récit par le manuscrit retrouvé et écrit son ouvrage d’après un manuscrit qui raconte les mémoires d’Adso de Melk, un jeune bénédictin (ordre religieux accordant une grande importance au travail manuel et intellectuel, notamment à la copie de manuscrits).
Il rédige l’introduction plaçant sa narration à un quatrième niveau d’emboîtement : moi je dis que X disait qu’Y a dit qu’Adso dit…
Puis il a cessé d’écrire pendant un an comprenant que pour raconter, il faut avant tout se construire un monde, le plus peuplé possible, jusque dans les plus petits détails.
Selon lui, le monde construit, les mots viennent ensuite presque tout seuls.
La première année de travail sur le roman a donc été consacrée à la construction du monde. Il rédige des fiches de nombreux personnages (dont beaucoup ont été éliminés de l’histoire). Il a également passé de longues heures d’enquêtes architecturales pour établir le plan de son abbaye, les distances jusqu’au nombre de marches d’un escalier en colimaçon.
Il dit avoir écrit plus tard bon nombre de scènes, le plan sous les yeux.
Assez vite aussi, il réalise que l’Histoire fait partie de son monde. Il a donc relu des chroniques médiévales.
Pour le titre, il avait pensé à L’abbaye du crime qui fut écarté parce qu’il insistait trop sur la seule trame policière et pouvait ainsi indûment amener d’infortunés acquéreurs, friands d’histoire et d’action, à se précipiter sur un livre qui les aurait déçus.
L’idée du Nom de la rose lui vint presque par hasard. Le Nom de la Rose est extrait d’un vers de Bernard de Morlaix (bénédictin du 12e siècle). Elle lui plut aussitôt parce que la rose est une figure symbolique chargée de tant de significations qu’elle finit par n’en avoir plus aucune. Le lecteur sera désorienté. Un titre selon lui doit embrouiller les idées, non les embrigader.
Si dans Apostille au Nom de la rose, Eco parle sans retenue de sa réflexion et du travail préparatoire à la rédaction de son roman. II ne livre ni secret d’écriture ni technique littéraire. Ceci dit ce court recueil reste très intéressant et d’une grande richesse pour un lecteur comme pour un écrivain.
On y trouve les réponses aux questions que suscite la lecture du roman mais aussi l’explication de sa fabrication, la réflexion et les choix qui ont conduit Eco dans son écriture.
Ainsi, si vous ne connaissez pas Apostille Au Nom de la rose, je vous conseille de le lire et de plonger dans l’explication de la genèse du Nom de la rose.
Avez-vous lu Apostille au Nom de la rose ?
Dites en commentaire ce que vous en avez pensé et retenu sur le travail préparatoire à un roman ?
À vos succès d’écriture…
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Aaah Umberto Eco, j’ai un rapport « amour-haine » avec lui ! Amour pour son immense talent, son érudition et son humour. Haine parce qu’il semble emprunt de fausse modestie (quand il parle de son travail, justement), il m’énerve, mais je ne peux pas m’empêcher d’acheter tout ce qu’il écrit. Une preuve supplémentaire de son génie ?
Ce que je retiens de ses méthodes de préparation de roman : il se documente énormément, travaille d’arrache-pied et ne laisse rien « dans le flou », allant jusqu’à tester lui-même tous les trajets des personnages pour que les descriptions et les sensations collent au plus juste, selon l’heure et la saison (Pour le Pendule de Foucault). On voit qu’il domine aussi totalement les ficelles de la dramaturgie (c’est un passionné d’Aristote).
Sinon, »Journal d’un écrivain en pyjama » de Dany Laferrière se lit comme un roman et apporte avec humour et en toute humilité son lot d’éclairages constructifs, je le conseille.
Quel que soit l’écrivain, ce qui ressort chaque fois c’est : travail, travail, travail…
Merci pour cet article !
Bonjour Caroline
Oui, le travail ! Le travail ! Le travail ! Mais au fond, n’est-ce pas le lot des sportifs, musiciens, danseurs, auteurs, peintres, auteurs… dès lors qu’ils cherchent à honorer leur passion !
Merci pour la référence. Je n’ai pas encore lu Journal d’un écrivain en pyjama de Dany Laferrière mais j’avais prévu de le faire.
Cordialement
et scientifiques 😉
Très proche de vous pour l’enthousiasme envers Eco – n’oublions pas « Lectura fabula » comme livre de formation – et envers Laferrière.
Je n’ai pas lu Lector in fabula. Mais j’ai hâte de me plonger dans le livre de Laferrière.
Bonne journée
« Un titre selon lui doit embrouiller les idées, non les embrigader. » voilà qui devrait être dit à quelques éditeurs !
« ce recueil, texte court et d’une grande richesse, reste très intéressant pour un lecteur comme pour un écrivain. » J’y cours.
Bonjour Jean-Patrick
Merci pour votre commentaire !
Il semble que vous ne connaissez pas ce recueil. Vous devriez l’apprécier.
Eco nous emmène dans sa réflexion préparatoire à la rédaction de son roman. Passionnant !
Bonne lecture.
Le Nom de la rose est déroutant certes. Les sources d’Eco ne sont pas les Sources d’Eco en effet l’Apostille stipule ce fait : quand l’auteur dit qu’il a travaillé sous le coup de l’inspiration, il ment. Eco ajoutant un processus sans savoir qu’il en connaissait les règles. Lorsque il va s’auto interviewer il pose la question du livre ouvert et il répond c’est à vous de voir, mais est ce la bonne question? Non au travers d’un roman il évoque des faits historiques écrivant qu’un écrivain fait un roman et un écrivant de l’histoire, mais un écrivain peut faire de l’histoire et c’est alors des bouteilles à la mer jetées au monde. Ce qui veut dire que Eco a eu un secret et qu’il cherchait l’alter Eco. C’est un appel au monde car un secret est lourd à porter seul. Ce que je peux dire est que le secret dans sa nature est dans le Pendule de Foucaut . Mais il faut alors connaître la nature de ce secret qui est dans un autre livre voilé et que personne n’a interprété sinon le maître de la sémiotique et moi.
Amitiés
Ah ah ah, sacré Umberto, il voulait nous faire croire que le titre de son roman lui était venu en deuxième ou troisième intention, lui l’initié aux secrets d’éternités, la rose étant le principe allégorique du grand oeuvre en alchimie avec les sept étapes préparatoires et les sept chapitres de son roman, tout comme les sept solitudes nietzschéennes qui mènent à ce grall de tous les gralls, ce surhomme nietzschéen, le secret d’éternité de l’âme soeur, représentée sur les médaille templière avec ce deuxième cavalier protecteur et inspirateur dans l’action à entreprendre !!!