Voilà, le nouveau livre de la rubrique Conseils de Lecture dont j’expliquais la vocation dans l’article Lire pour bien écrire.
Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler de La Modification de Michel Butor.
Biographie de Michel Butor
Né le 14 septembre 1926 à Mons-en-Baroeul dans le Nord de la France, Michel Butor
a exercé comme professeur de français dans plusieurs pays étrangers, dont l’Égypte.
Dans les années 1950, il a également été professeur de philosophie à l’École Internationale de Genève.
Il entame ensuite une carrière universitaire comme professeur de littérature aux États-Unis, puis à l’université de Nice, et enfin à Genève, où il prendra sa retraite en 1991.
Mais c’est surtout pour ses activités de romancier que le public le connaît. Il se fait remarquer pour La Modification, roman emblématique du Nouveau Roman paru aux Éditions de Minuit en 1957.
S’il publie plusieurs romans par la suite, Michel Butor rompt avec l’écriture romanesque suite à Degrés, en 1960.
Le Nouveau Roman
Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire apparu dans les années 1950 au sein d’une société de consommation naissante. Il rejette les principes fondateurs hérités des romans du 19e siècle à commencer par l’intrigue traditionnelle :
L’action est souvent limitée à des événements apparemment sans importance et la temporalité est généralement disloquée et sans ordre chronologique.
Le personnage est dénué de toute apparence physique, de toute consistance psychologique. Son patronyme est parfois même réduit à une initiale.
Mais c’est surtout au récit que le Nouveau Roman s’est attaqué. Il privilégie le point de vue externe limité à la seule apparence des choses et des êtres ou le point de vue interne, seul capable de traduire les errements d’une conscience.
Si vous voulez vous rafraichir la mémoire, vous pouvez relire l’article traitant des éléments clés de la narration, ici.
La Modification : résumé
Divisé en 3 parties, le roman raconte le voyage de Léon Delmont, quarantenaire, père de quatre enfants, quittant Paris, où il vit avec sa famille, pour rejoindre sa jeune maîtresse Cécile, séjournant à Rome.
Fatigué de la routine quotidienne et d’un mariage qui s’essouffle, Léon Delmont est décidé à quitter son épouse et espère ramener Cécile en France. Cependant, il s’opère pendant le voyage, comme l’indique le titre, une modification sur le projet et le protagoniste du roman.
L’action du roman se déroule durant le trajet. On suit le cheminement de pensée de Léon Delmont, toutes ses réflexions et ses multiples décisions, lesquelles changent au fur et à mesure du trajet.
Le roman est écrit presque intégralement à la deuxième personne du pluriel. Le lecteur est actif parce que la modification le concerne tout autant que le protagoniste.
L’emploi de la 2e personne du pluriel entraîne un double effet :
1/ une distance inhabituelle se produit vis-à-vis du narrateur / personnage ;
2/ une implication nouvelle du lecteur dans la narration. En outre, l’emploi du « vous » entraîne un processus de mise en abyme où le texte s’adresse à la fois au personnage, au lecteur et à l’écrivain.
La Modification est une expérience prenante pour le lecteur qui accepte de mettre une certaine attention dans sa lecture. Il faut garder le fil du récit pour profiter pleinement de la modification qui s’opère chez Léon Delmont. Ce genre de littérature décevra les amateurs d’action mais qui comblera les lecteurs exigeants.
L’emploi à la deuxième personne du pluriel fait de La Modification une expérience de lecture rare. Ce livre mérite donc d’être lu ou relu pour apprécier sa technique littéraire.
Bonne lecture…
À bientôt
Bonjour,
Dans notre monde saturé de catastrophes, de transformations tragiques, et dominé par l’impuissance, l’aveuglement du monde à l’égard de ce qui se passe partout dans le monde, ce roman de Butor « La Modification », ne fait qu’ajouter un peu plus de noirceur à notre existence déjà épuisée de malheurs. Nous n’avons plus besoin d’expériences pénibles maquillées par toute l’opacité d’une descente aux enfers intérieurs d’un homme insatisfait de sa vie, pour nous noyer dans un insondable abîme dévastant. Ses lecteurs, sont déjà étouffés par leurs propres hantises, et avec ce roman du « Nouveau Roman » ils se voient obligés de partager celles de l’auteur de « la Modification »!!!! Nous avons été ballottés dans toute cette oeuvre romanesque dans un onirisme et un réveil cauchemardesques étouffants, où tout repère spatio-temporel est annulé. En tant que lectrice je n’aime pas le nouveau roman et je ne l’apprécie pas…
l’existence humaine contemporaine, a besoin d’un peu plus de logique, plus de repères et un peu plus d’optimisme bienveillant!!!!
Répondre
Bonjour et bienvenue sur Aproposdecriture
Je crois sincèrement que le monde n’a pas attendu la littérature pour se perdre !
Je suis fan de littérature expérimentale, de structures très travaillées, de constructions déstructurées, de distorsions littéraires en tous genres… Je ne me suis pas sentie étouffée en lisant ce livre. Heureusement, la littérature offre tellement de genres et de variétés que chacun peut trouver son bonheur, des repères et de l’optimisme s’il en veut.
Bien à vous
Bonjour à vous
Je vous remercie pour vos remarques à propos de ce nouveau roman.
Madame
Je respecte votre opinion bien que je ne la partage pas.
je crois qu’il faut baigner dans le calme pour pouvoir se laisser prendre par des expériences littéraires traumatisantes. La lecture est un loisir esthétique qui devrait procurer un bien-être et un plaisir intellectuel, et non un tracas et une fatigue. Je me suis imposé la lecture de ce roman pour un but pédagogique et je me suis obligée à le continuer jusqu’à.la drrnière ligne pour voir ce qu’il voulait dire, et finalement j’ai découvert un homme banal pénible et égoïste qui a torturé son lecteur avec un blabla sans beauté ni art.
Bonjour
Vous m’avez déjà dit que vous n’aimiez pas ce livre et c’est votre droit le plus strict. Je n’ai pas du tout éprouvé les mêmes sensations que vous à la lecture de ce texte. Je ne dis pas non plus que c’est un chef d’oeuvre. Je dis juste que c’est à découvrir. Comme je le fais pour d’autres ouvrages. Celui-ci s’inscrit dans un courant de notre littérature et il mérite au moins d’être connu pour ce qu’il a représenté.
Bien à vous
Bonjour, Marie-Adrienne ! … »moins d’être connu »? Ou « AU moins d’être connu »? 🙂 Cet ouvrage a bouleversé la littérature française, tout comme ceux de LF Céline. On peut haïr Céline ou Butor, le fait est qu’on n’écrit plus aujourd’hui comme on écrivait avant eux. Maintenant, je ne sais pas ce qui définit un « chef-d’oeuvre », mais une chose est sûre: il n’y a qu’un chef-d’oeuvre par oeuvre (donc par auteur), et celui de Butor n’est pas La Modification, mais Degrés, devant quoi La Vie mode d’emploi de Pérec donne l’impression d’un devoir interminable d’élève de 6e. Seulement Degrés n’intéresse apparemment personne, probablement parce que dans « l’hexagone » – 20 points de quotient intellectuel perdus en une génération, c’est du jamais vu depuis la Révolution industrielle, et le symbole d’une rechute dans la barbarie! – on n’a plus le niveau pour lire un roman d’une telle profondeur (ici, la « mise en abyme » de ce pauvre LD, dont le concept pour manuel scolaire exaspérait Butor, est complètement enfoncée). D’ailleurs, si Pérec ne faisait pas l’objet d’un battage publicitaire continuellement renouvelé, nous savons tous très bien qu’on ne le lirait pas davantage. Mes étudiantes (j’ai 3/4 de filles dans mes amphis) détestent Pérec, Kafka, etc. Ce qu’elles lisent, c’est Marc Lévy. Et encore. Je conclus en reprenant le concept de littérature formulé par Butor, et avec lequel je suis d’accord: https://dicocitations.lemonde.fr/imagescitations/La_litterature_c_est_l_experimentation_sur_le_langage_-157676.png Si la littérature ne représente pas une expérience VITALE (au moins pour l’auteur), ce n’est pas de la littérature. Et il y a toujours quelque chose à tirer de la vraie littérature, pour tout le monde.
Bonjour
J’ai modifié… c’est bien « au moins d’être connu ». Merci de l’avoir signalé
La lecture de La Modification demande au lecteur un effort qui s apparente a l ecriture. Il peut construire le sens indefiniment. De ce fait, le texte lui revele un potential tres riche; Butor ayant dote son texte d un canevas culturel tres puissant. C est peut être ce Romanesque culturel qui fait l interet du texte .
Exactement!
Chère Marie-Adrienne, vous qui êtes (comme moi) « fan » de littérature expérimentale, avez-vous lu cette extraordinaire interview de Michel Butor:
https://amisdelegeard.wordpress.com/2016/03/24/michel-butor-la-modification/
Micle Butor: « La littérature, c’est l’expérimentation sur le langage… »
🙂
Bonjour
Non, je ne l’ai pas lu mais je le ferai dès que possible. Merci !
OK, je dois reconnaître, c’est une interview FAN-TAS-TIQUE!!! Et je crois que je viens d’en lire une sacrée flopée! J’ai les éléments de comparaison: c’est sans égal. Et c’est la dernière interview que Butor ait accordée à quelqu’un!…!!! Unique.
M.Emmanuel Legeard rappelle Pierre Dumayet. Quel est l’âge d’Emmanuel Legeard? Parce que des types de cette trempe, il me semble qu’il n’y en a plus des masses parmi les djeunz énucléés du bulbe (trop de hash, trop de télé, trop de jeux vidéos, trop de bédés, de raps, de tags, et zéro éducation pour compenser!)
@Eric: cette interview a été passionnément discutée par les meilleurs spécialistes mondiaux à l’occasion du colloque international qui s’est tenu à l’Université de Thessalonique il y a deux semaines. Bravo pour votre perspicacité, je ne la connaissais pas. C’est toujours le meilleur qui passe sous le radar! 😉
Bonjour je connaissais pas le livre…. c’est mon fils de 16 ans qui m’en a parlé…il lit tout…. la curiosité a fait que je lui ai cherché les références pour achat et j’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos commentaires. Finalement c’est un bon livre parce que cela permet aux gens de débattre sur les genres littéraires et les techniques d’écriture au delà des leçons sur la condition humaine. Plaisir de vous avoir découvert.
Aminata
Contente de lire votre intérêt pour le blog. Venez quand vous voulez.
Bien à vous