Tu connais ce moment où tu crois avoir tout prévu pour ton personnage…
… et puis il te glisse entre les doigts comme un savon de salle de bain ?
Tu le voulais loyal, il devient lunatique.
Tu l’imaginais discret, il vole la vedette.
Et toi, pauvre auteur·rice, tu te retrouves à lui courir après, en te demandant qui commande dans cette histoire. Aujourd’hui, j’ai décidé de faire la paix. Ou au moins d’essayer. Voici une lettre à ce personnage difficile, incohérent, imprévisible… bref : insaisissable. Et si toi aussi, tu es en pleine thérapie narrative avec un perso rebelle, tu n’es pas seul·e.
Cher toi, on peut se parler cinq minutes ?
Toi. Oui, toi, mon cher personnage.
Tu sais, celui que j’ai mis trois semaines à nommer, cinq chapitres à comprendre, et vingt cafés à ne pas tuer.
Tu es arrivé comme une évidence… et tu t’es comporté comme une diva incomprise.
Tu as refusé mes dialogues. Tu as fui mes scènes clés. Et chaque fois que je croyais t’avoir cerné, tu as changé d’avis, de voix ou de mission de vie.
Bref, tu m’as détesté. Et tu sais quoi ? C’était réciproque.
Mais aujourd’hui, j’ai décidé de t’écrire. Pas pour me plaindre. Non. Pour te remercier.
Car, malgré tout, tu m’as appris une chose essentielle sur l’écriture.
Quand je t’ai imaginé, tu étais censé être un second rôle sympa
Tu devais dire trois phrases, faire rire un peu, puis sortir poliment du récit.
Mais non.
Tu as décidé de prendre la parole quand bon te semblait, de piquer la scène au héros, et même (honte sur toi), de tomber amoureux·se de quelqu’un que je n’avais pas du tout prévu.
Tu es devenu un vortex à intrigue. Une tempête de contradictions. Et moi ? J’ai couru après toi comme un scénariste sans GPS.
Mais c’est là que j’ai compris.
Tu n’étais pas incohérent.
Tu étais plus profond que prévu.
Tu m’as obligé·e à t’écouter vraiment. À creuser plus loin que ton arc narratif tout prêt.
À lâcher le contrôle pour écrire plus sincèrement.
Alors oui, je t’ai maudit (fort).
Mais je t’ai aussi aimé, finalement.
Parce que grâce à toi, j’ai grandi en tant qu’auteur·e.
Et à toi, cher·e écrivain·e…
Si toi aussi tu galères avec un personnage qui n’obéit à rien, c’est peut-être bon signe.
Peut-être qu’il cherche à exister autrement que ce que tu avais prévu.
Prends le temps de l’écouter. De l’interroger. De lui écrire, même (c’est terriblement libérateur).
Parfois, les personnages les plus récalcitrants sont ceux qui font basculer une histoire.
Et qui révèlent une voix plus profonde : la tienne.
Merci pour rien… ou presque
Alors, cher personnage ingérable,
Merci pour les nuits blanches, les ratures, les jurons murmurés dans mon café.
Merci pour les détours, les imprévus, les colères.
Et surtout… merci de m’avoir obligé·e à écrire sincèrement, et pas juste « comme prévu ».
À bientôt dans une autre scène. Ou pas.
(Signé : ton·ta auteur·e un peu fatigué·e, mais très fier·e.)
… Et si l’écriture, c’était justement ça :
Apprendre à composer avec l’imprévu, à écouter ce qui résiste, et à grandir au contact de nos personnages les plus imprévisibles ?
Alors ne lâche rien. Continue d’écrire, même quand ça tangue.
Parce qu’au bout du chaos… il y a souvent une histoire qui en vaut la peine.
À tes succès d’écriture !